Plus de 1500 hectares de terres agricoles sous le contrôle d'une société chinoise dans le Berry
L'acquisition a démarré en 2014. Une société chinoise prend depuis cette date le contrôle de plusieurs sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) ou de groupements fonciers agricoles (GFA). Des groupements SCEA ou GFA se sont constitués au fil des ans regroupant plusieurs exploitations agricoles souvent de moyenne ou petite taille pour mettre en commun les moyens, faire des investissements. Des agriculteurs ont atteint l'âge de céder leur exploitation, c'est à cette occasion que la société va prendre le contrôle.
Le mécanisme est le suivant
Le groupe chinois achète 98 ou 99% des parts sociales de la société. Les 1 ou 2 % restant sont conservés par les anciens propriétaires. Les anciens exploitants deviennent co-gérants mais le gérant principal M. Marc Fressange est nommé sur décison de l'investisseur.
Le groupe de la société chinoise en question détient une exploitation laitière de 13 000 hectares, trois usines de fabrication d’aliments et 3 sites de production laitière. Il fabrique de la poudre de lait.
En prenant le contrôle de quatre sociétés d’exploitation agricole et en y nommant un gérant commun en la personne de M. Fressange, Monsieur Keqin propriétaire de la société a constitué une unité de production agricole qui dépasse les 1 750 hectares. Il est possible que l’unité de production soit d’ores et déjà ou sera à l’avenir encore plus importante. D’autres exploitations ont pu ou pourront rentrer dans le giron de cet investisseur.
Une procédure administrative classique et légale
Chaque unité de production est constituée dans le respect des contrôles administratifs grâce à deux dispositions. Il existe bien un contrôle des structures agricoles, qui régule l’évolution de la taille et les nouvelles installations en agriculture depuis 1960. Mais ce contrôle ne s’applique pas quand l’exploitation est reprise via l’obtention d’une participation majoritaire dans le capital social, sans que l’exploitation soit modifiée en termes de surface et quand l’ancien exploitant garde toujours une part du capital social si minime soit-elle. L’unité agricole s’est constituée dans le respect de ces conditions. Seconde disposition Depuis la loi d’avenir agricole d’octobre 2014, la Safer détient un droit de préemption sur la cession totale des parts de sociétés. Pour éviter que la Safer ne puisse préempter, il suffit qu’un propriétaire cédant conserve l’une des part. C'est le rôle des 1 ou 2% conservés par les anciens agriculteurs.
Un procédé largement utilisé en France et en Europe
Les procédés mis en œuvre dans le cas présenté sont largement utilisés par d’autres investisseurs et notamment par les investisseurs agricoles français.
La réunion de plusieurs exploitations au sein d’une unité de gestion plus importante présente divers avantages : au niveau de la PAC, la société peut toucher plus d'aides : au lieu de bénéficier d’une seule prime pour les 52 premiers hectares exploités, conformément aux règles de la Politique agricole commune (PAC), l’unité de production touche autant de primes aux 52 premiers hectares qu’elle compte d’exploitations. Autre avantage, le même matériel peut être amorti plusieurs fois par une même unité de production entre ses différentes exploitations en créant à chaque fois des charges qui viennent diminuer le bénéfice imposable. Opération « gagnante-gagnante » pour l’unité de gestion mais perdante pour le fisc.
L'agriculture secteur économique pour les investisseurs
Au plan mondial, l’agriculture devient un secteur économique identique aux autres pour les investisseurs des autres secteurs de l’économie (banques, mines, pétrole, immobilier, etc.). Depuis 2008, divers opérateurs, fonds souverains, fonds de pension, investisseurs, cherchent à maîtriser la production agricole. Le mouvement d’accaparement de terres agricoles ou d’achat d’exploitations à travers le monde avec des capitaux occidentaux, asiatiques ou du Moyen-Orient, ne s’arrête pas à l’Afrique, l’Asie, ou l’est de l’Europe. Toute l’union européenne est concernée par ce mouvement ; la France n’y échappe pas.
Pour une agriculture paysanne
La disparition du modèle familial se poursuit laissant place à un modèle sociétaire, on est loin de la vision d'une agriculture paysanne.
Le Comité économique et social européen a émis, le 21 janvier 2015, un avis sur l’accaparement des terres « une sonnette d’alarme pour l’Europe et une menace imminente pour l’agriculture familiale ». Le parlement européen veut se saisir du sujet. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé la mise en place d’une mission avec le Conseil général de l’Agriculture pour empêcher les opérations qui se sont déroulées dans le Berry.
Le sujet est loin d’être épuisé. Il pose la question de la régulation des marchés fonciers en France et en Europe et en même temps du modèle agricole européen.
Les déclarations ne suffisent pas, il faut une politique agricole qui favorise l'agriculture paysanne créatrice d'emplois, soucieuse de la santé et de l'environnement.
Extraits d'un texte de la Foncière de Terre de liens