Emile Vivier,
était Agrégé de l’Université, Docteur es Sciences, Professeur honoraire de Biologie au sein de l'Université des Sciences et Technologies de Lille, Membre fondateur et Président honoraire de la
Fédération Nord Nature, Membre du Conseil Economique et Social Régional Nord – Pas de Calais. Quittant ultérieurement Nord Nature, il a été fondateur puis Président d'honneur de Nord Ecologie
Conseil. Ce grand et infatigable combattant régional de l'écologie s'est éteint dans la nuit du 12 au 13 juin 2011.
Voici le portait qu'en fait Nord Eclair le 13 juin 2011 :
Emile Vivier est décédé ce lundi à l'âge de 88 ans. Naturaliste de coeur, cet éminent professeur avait créé Nord Nature dans les années 70 pour tenter de préserver les derniers
espaces naturels de la région. Nous republions ici des extraits du Petit-Dej' que nous avions fait avec lui en 2006.
Quel a été votre parcours avant d'arriver dans le Nord ?
Je suis né en Auvergne, dans le petit village de Vicq, en 1923. J'ai passé toute mon enfance dans une ferme isolée coincée entre deux marécages. C'est de là que je viens, du coeur de la nature.
Mais j'ai eu une enfance plutôt immobile. Entre 12 et 14 ans, une maladie osseuse m'a cloué au lit. Ensuite, lorsque mon père s'est rendu compte que je ne pouvais pas travailler la terre, il m'a
envoyé faire des études. Après le bac, je voulais passer un brevet supérieur, mais c'était la guerre, Pétain venait de le supprimer. J'ai été envoyé pendant six mois dans les "chantiers de
jeunesse". Puis, j'ai dû faire le STO (service de travail obligatoire, ndlr) , dans une usine d'armement. On m'a mis à la fabrication de pièces d'obus. Je m'arrangeais pour que chacune d'elles
ait un défaut. Un jour, le chef d'atelier m'a prévenu que si je continuais, je risquais d'être dans la prochaine rafle. J'ai barboté des faux papiers et je me suis enfui.
Où êtes-vous allé ?
Je me suis réfugié dans l'Allier, dans ma famille, mais je ne pouvais pas rester éternellement, c'était trop dangereux. J'ai pris le maquis.
Vous étiez dans un groupe de combattants ? Oui. J'avais dans les 20-21 ans. On m'a confié un mortier. C'était en 1944. Ensuite, je me suis engagé dans la 1 ére armée, pour le temps de la guerre.
Comment passe-t-on de résistant à biologiste ?
J'ai été démobilisé en novembre 1945, et je suis tombé sur un copain d'enfance qui m'a incité à m'inscrire à la fac. On avait alors droit à des bourses en tant qu'anciens combattants.
Votre entrée à l'université était donc motivée par l'aspect pratique plus que par vocation ?
Oui. A part ça, je ne pouvais rien faire d'autre. Je me suis lancé dans les sciences naturelles. J'ai eu mon premier poste d'assistant à Clermont-Ferrand. Je donnais des cours d'éducation
sexuelle à l'école normale de filles... Je peux vous dire qu'elles étaient très attentives !
Comment êtes-vous arrivé dans la région ?
C'était en 1959, j'ai eu le choix entre Toulouse, Rennes, Lille et Strasbourg. Un grand patron avait réservé Toulouse pour son fils. Pour Rennes, j'ai envoyé les papiers trop tard, et je ne
voulais pas Strasbourg... Il ne restait plus que Lille.
Quelles furent vos premières impressions ?
J'ai été profondément choqué par l'environnement. Il y avait des maisons et des habitants partout ! Pas une zone nature, nulle part. Je passais mon temps à aller à droite à gauche, pour bien
connaître la région. J'ai découvert l'immensité des champs de dunes entre Dunkerque et Calais, on se serait cru au Sahara... Aujourd'hui, ces dunes n'existent plus.
Quand avez-vous créé Nord Nature ?
Lorsque nous nous sommes opposés au projet de barrage sur la Canche. Léonce Déprez (maire du Touquet, ndlr) voulait créer un lac d'eau douce. En supprimant l'estuaire, les réserves de crevettes
auraient été détruites. Les petits poissons n'auraient plus eu de « nursery »... Ça a été une sacrée bagarre, avec le préfet, le sous-préfet... Nous avons demandé des études à
répétition. Chaque étude prenait en gros un an pour être terminée. Au final, après 4 ans, le coût du barrage était multiplié par
deux. Ils n'avaient plus les fonds.
De quels autres grands combats vous souvenez-vous ?
L'Enduro du Touquet, contre Léonce Déprez, encore. Nous avons commencé en 1975. En 1980, nous avons obtenu la première réduction du tracé. Un autre a été la lutte contre l'installation d'un
« Sun Parc » au Sud de Boulogne. Nous avions alors attaqué au tribunal administratif sur la base de la loi littoral. Nous avons fini par gagner à la cour administrative d'appel.
Certains maires du coin m'en ont voulu pendant des années...
Cette judiciarisation est-elle plus efficace que la mobilisation de l'opinion publique ?
Les manifestations ne servent pas à grand-chose. Le plus bel exemple est sans doute la centrale de Gravelines. Nous avons fait de nombreuses manifestations. La plus grosse en 77. Il y avait des
slogans, des cris. Des groupes se sont jetés sur les grilles qui ont été brisées sur plus de 200 mètres... Derrière, il y avait les CRS. Heureusement, la situation s'est calmée. Nous avons fait
un sit-in, et, au bout de deux-trois heures, nous sommes tous repartis. Ça n'a pas servi à grand-chose. L'action
judiciaire est souvent le dernier recours efficace, mais il est aussi important d'être présent au sein des instances de décision.
Justement, vous êtes au sein du Conseil économique et social régional, en charge des questions d'environnement. Qui doit prendre votre suite ?
Cela fait 23 ans que j'ai été nommé à ce poste par le préfet, je crois que c'est suffisant... Mais pour la relève, je ne sais pas. La présidente de Nord Nature (Jacqueline Istas, ndlr) serait
dépassée. Nous sommes 111 au sein du CESR, et je suis le seul scientifique. Quand on se retrouve face à des ingénieurs de très haut niveau, il faut être un scientifique pour être écouté, pour ne
pas être pris pour des rigolos. Je m'inquiète pour la relève.